TERMINUS : L’EXPÉRIENCE O’ROWE

Terminus. Photo S O'Neill Terminus. Photo S O'Neill

Written by Maryline Chery

Nous le savons. L’automne, frappe à nos portes en apportant avec lui nouveauté et couleurs notamment au théâtre de la Licorne avec la pièce Terminus du dramaturge irlandais Mark O’rowe. Si vous ne connaissez pas le travail d’O’rowe, c’est une merveilleuse occasion de plonger dans l’univers urbain très sombre propre aux textes de l’auteur.

Les lumières s’éteignent, le silence se fait puis sur une scène nue se déploie devant nos yeux une soirée de mésaventures pour une femme découragée bénévole dans un centre d’appel, un homme gêné incapable de séduire les dames et une jeune femme frustrée à qui l’amour ne sourit pas, mais vraiment pas! C’est ainsi que sur une toile lugubre et de l’humour noir chaque personnage se succède en solo et nous fait part, tour à tour, de leurs mœurs, leurs problèmes à la fois ordinaires et loufoques durant une longue soirée inoubliable. Assis sur nos sièges, nous suivons avec les personnages leur quête de se sentir vivant et d’un état meilleur tout en partageant leur solitude. Guidés par leurs pulsions, nos trois camarades s’enlisent avec une gradation sans limites dans la nuit. C’est dans un ton effréné allant jusqu’à s’élever au-dessus du monde réel en passant du réalisme au fantastique, qu’ils nous montrent de quelle manière nos choix, au quotidien, répondent à notre solitude.

Terminus. Photo S O'Neill

Terminus. Photo S O’Neill

C’est avec un langage familier que les acteurs nous exposent la vie misérable de leur personnage et l’état d’abandon dans lequel ils sont prisonniers. Certes, un langage très cru et dur, mais qui a su me tirer un sourire. Les thèmes du rejet, de la trahison, du désir, de la peur, de la perte et plus nous ont été partagés avec une franche et belle sincérité. Les discours s’enchaînent et de plus en plus, les personnages s’engouffrent dans la pénombre, se saoulent, se sauvent, se consument, se battent, se pardonnent, se meurent et se taisent. Tout particulièrement, je tiens à souligner le talent de la comédienne Alice Pascual qui a su transmettre au public son énergie, sa folie et dont le regard, perçant, m’a subjugué et ravi.

C’est au moyen de collage que l’on nous présente un Berlin moderne bien déprimant, mais fascinant. Il est incroyable de voir de quelle manière Michel Monty, metteur en scène, permet à cette violence, cet aspect sordide du quotidien d’être exposé et ressenti. Le minimalisme, l’absence de décor sur scène accentuée, par moment, au moyen de projections placées avec justesse en arrière-plan portrayant les personnages en actions et bougeant à l’unisson avec les comédiens à l’avant-plan était efficace. L’utilisation d’effets sonores en distorsion a également bien servi à nous entrainer dans cet univers lugubre. De plus, les jeux de lumière ternes et aux couleurs rougeâtres ainsi que les costumes dans la même palette accentuaient cette énergie mystérieuse, cette ambiance propre à l’histoire.

C’est dans ce mélange de réalité et de fantaisie que la pièce se poursuit et nous laisse dans la bouche un goût un peu amer, mais une expérience inoubliable et un moment de complicité unique en nous soutirant, au détour, quelques sourires. Une pièce qui se démarque, mais que je ne conseille pas à un jeune public dû à son langage cru et son contenu lourd. Terminus joue jusqu’à la fin du mois d’octobre, une sortie idéale en ce mois d’Halloween qui s’amorce et où les frissons naissent.

En représentation au Théâtre de la Licorne (4559 avenue Papineau, Montréal) du 20 septembre au 29 octobre, Présentée avec sous-titres anglais les jeudis 20 et 27 septembre, Billetterie: 514.523.2246